Spectacle "Les liens"

Publié par L'aparthéâtre

Spectacle "Les liens"

Les liens, le résumé

« Les liens », c’est une histoire à deux voix. Celle de Marie, celle de Paul.

Paul et Marie sont frère et sœur. Paul a quitté l’île de la Réunion. Il revient après trente années d’absence. Ce sera son seul aller-retour. Un retour pour la mère mourante.

La mère vit ses derniers moments dans la chambre du fond, dans sa case, au bord de l’océan indien.

Le frère et la sœur parlent de leur mère et se parlent.

Paul raconte ses années d’exil, les raisons de son départ, ses peurs, sa difficulté à aimer et à vivre.

Marie raconte aussi ses bonheurs, ses souffrances, son attachement à la terre natale.

Le frère et la sœur s’opposent dans les comportements, leur façon de vivre et de penser, leur sensibilité.

Ils se parlent pourtant. Les mots sont des fils tendus qui tissent et retissent les liens. Les liens à leur mère, à la terre natale, à la langue maternelle, le créole.

La mère, dans la chambre du fond, est là, au milieu d’eux, avec eux.

La Réunion est là, avec ses couleurs et ses odeurs, son ciel et son océan, ses rites et ses coutumes.

Il y a la mère et la mère patrie et deux solitudes. La musique accompagne Marie, comme l’écriture accompagne Paul.

Paul se souvient de son enfance tourmentée, de ses blessures d’enfant.

Marie ne se plaint jamais. Elle agit et elle espère.

Paul et Marie veulent se parler, mais leur pudeur, leur difficulté à se livrer demeurent. Ils dialoguent alors avec eux-mêmes avec une même tonalité : la mélancolie.

Au paradigme de la solitude, se substitue celle de l’attachement indéfectible des êtres les uns aux autres, malgré les efforts pour les oublier et les rejeter. La parole dévoile pour mettre à nu. Les personnages, dans leur fragilité, énoncent leur vérité.

Paul et Marie se parlent en français. La langue dit les choses et les répète. Peu à peu le créole apparaît dans la bouche de Paul, la langue qu’il a voulu rejeter.

Ce sont des gens simples, modestes et abîmés. On retrouve en eux une douleur sourde et une étrange douceur.

L’essentiel est dit comme dans une prière libératrice. L’atmosphère qui s’en dégage a quelque chose de poétique. La poésie de l’ordinaire.

Dans le face à face tendu qu’offre les liens, l’intensité de l’échange entre le frère et la sœur, entre la mère et son fils, entre la mère et sa fille, entre la mère et ses enfants retisse des liens qu’on aurait pu croire rompus par l’absence et ces trente années de silence.

Les liens, les thématiques

L’exil

Paul est un exilé volontaire. Il a voulu couper les ponts avec sa mère, a voulu rompre avec la culture créole. Il vient de passer 30 ans en Métropole.

Marie s'est exilée du monde pour s'occuper successivement de son père, de son mari, de sa mère. Depuis un an elle est au service de sa mère à temps complet.

La mère est exilée dans la chambre du fond. Elle vit ses derniers instants et vit un exil intérieur.

La quête d’identité

Paul se pose des questions sur sa propre identité, sur ses origines. Il a vécu sans repère. Un père absent, une mère volage. Il mène sa quête au chevet de sa mère. Il prend à témoin sa sœur pour l’aider à trouver le chemin de la vérité. A la mort de la mère, il renaît à la vie.

Marie est ancrée dans la culture réunionnaise. Elle est fière de ses racines, de son pays. Elle fait prendre conscience à son frère de la richesse de leur île.

L’amour

L’amour

Marie est restée fidèle et amoureuse à un seul homme, son mari.

Paul n’a jamais connu de véritable amour. Ce n’est qu’après le décès de sa mère qu’il va connaître son premier amour.

La mère s’est prostituée durant toute l’enfance de Paul. On ne sait pas si elle a aimé les pères de ses enfants et les hommes qu’elle a eus dans son lit.

L’amour maternel

Paul a souffert du manque d’amour maternel. Ce manque d’amour a fait de lui un être malheureux. Son rapport aux femmes a toujours été difficile et compliqué.

Marie a été élevée par son père. Elle souffre aussi d’un manque d’amour maternel. Sa mère ne lui a jamais dit « je t’aime ».

La mère au moment de son agonie va ouvrir son cœur.

L’amour fraternel

Paul et Marie vont renouer des liens frère/sœur. Des liens qu’ils croyaient rompus.

Marie est là pour épauler, écouter, conseiller Paul. Elle l’aide à oublier ses rancoeurs, à vivre dans le présent, à se projeter dans l’avenir. Elle vit le retour de Paul avec bonheur.

Paul se confie à Marie comme à une grande sœur. Il sait apprécier ses qualités : volonté, courage et une grande capacité à aimer les êtres qui l’entourent.

Leurs relations sont basées sur la tendresse, la confiance, l’écoute mutuelle et la générosité.

La fin de vie

La mère vit ses derniers instants dans la chambre du fond. Marie a accompagné sa mère durant une année dans la maladie.

Paul et Marie accompagnent leur mère dans son agonie pendant trois jours.

Sa lente dégradation et les soins qui lui sont donnés sont constamment rappelés aux spectateurs. Par la pensée, les voilà eux aussi prisonniers de ce qui se passe dans cette chambre virtuelle.

La vie et la mort

Mort et vie sont en permanence opposées.

La vie dans la cuisine/La mort dans la chambre

La légèreté de Marie/ La noirceur de Paul

La mort de la mère/ Une deuxième naissance pour Paul

L’écriture

Paul a trouvé dans l’écriture un refuge. Les mots qu’ils posent sont pour lui un réconfort.

Marie l’incite à envoyer ses textes à un éditeur.

Elle fait de lui un écrivain.

La langue créole

Paul va renouer avec la langue créole, sa langue maternelle. Il a refusé de parler créole pendant trente ans. Dans l’avion qui le ramène à la Réunion il se met à rêver en créole. Lorsqu’il raconte son rêve, sa sœur exige qu’il le fasse en créole. Il retrouve les mots, les expressions et éprouve une jouissance à raconter.

Quand sa mère lui parle en créole son émotion est au paroxysme.

La soeur lui parle et chante en créole. Elle joue avec lui en créole comme dans leurs jeux d’enfants.

La langue créole est au cœur de la recherche identitaire de Paul. Elle lui permet enfin de vivre en lui et non hors de lui.

Le créole est la langue du quotidien, celle avec laquelle les personnages se mettent en colère, aiment et jouent.

L’invitation au voyage

La Réunion est présente. Elle n’est pas une simple carte postale. Elle est vivante. Son océan, son ciel, ses couleurs et ses odeurs s’emparent du spectateur.

Le bleu du ciel, l’écume de l’océan, son grondement, son roulement, l’abondance des fruits, la multitude de fleurs transportent le spectateur sur l’île.

Les us et coutumes

Ils sont en filigrane :

-L’importance et la diversité de la cuisine : carrys , rougails, riz , brèdes, grains

-La tradition des tisanes

-La croyance en des saints comme Saint-Expédit

-La particularité des rites funéraires dans la religion catholique

●les avis de décès à la radio

●La veillée funèbre

-Le séga et le maloya, genres musicaux, héritiers de l’esclavage.

Les liens, la scénographie

Le décor est simple. Une case créole. Paul et Marie dans la cuisine, leur mère dans la chambre du fond. La porte qui donne sur le jardin baigné par les flots. La fenêtre et l’appel du dehors.

L’espace de la cuisine est à l’avant scène: une table, deux chaises, une desserte à roulettes, des plantes vertes, un petit autel.

La chambre de la mère est virtuelle. Importance de la porte qui s’ouvre et se referme.

Dichotomie entre la chambre et la cuisine, entre la mort et la vie. La mort est là, mais on la cache, la vie est là devant vous. La vie est là pour oublier la mort mais la mort se rappelle toujours à la vie.

La scénographie est minimaliste. L’atmosphère est désuète. Quelques éléments sont là pour symboliser la Réunion : les savates deux doigts, le vanne, les épices, la vaisselle en émail, le livre de cuisine, le livre de tisane, le rhum, des statues de la Sainte Vierge et du Christ.

Une couleur : le vert, la couleur des yeux de la mère, déclinée dans les costumes, la nappe, les verres, les plantes vertes, le drap, les brèdes à trier, le rhum combava …

Le vert couleur préférée de la mère, de la fille, le vert que portera Paul après la mort de la mère. Le vert et la végétation luxuriante de la Réunion. Le vert, couleur que l’on se transmet, symbole de la filiation.

Les chorégraphies et les chants comme un moyen de faire entendre la Réunion dans son authenticité, de rendre vivants ces personnages avec une mise en jeu du corps immédiate. Dans les danses et dans les chants, il y a fusion entre le frère et la sœur dans la légèreté.

La créolité de Marie est là, celle de Paul resurgit. Ce sont des moments de rupture, de magie, de joie et d’insouciance.

L’ambiance sonore : Le bruit de l’océan indien, le chant matinal des oiseaux, la radio, la musique, pour marquer la succession des jours et des nuits.

Les liens, l’écriture

Le texte est une succession de dialogues et de monologues.

Il est servi par une poésie bouleversante et riche en images.

Paul et Marie se parlent. Ils parlent aussi au public pour se raconter, pour raconter, pour l’informer. C’est une écriture poétique faite de répétitions. Les répétitions comme un moyen d’exprimer leurs obsessions, comme s’ils ne pouvaient pas oublier.

Tel le ressac de l’océan.

Les phrases averbales donnent de l’intensité au texte. Les mots sont pesés, calibrés et font monter l’émotion.

Il y a un va et vient constant entre le passé et le présent. Le présent de ce qui se joue dans la chambre, de ce qui se joue sur le plateau. Le passé de chacun pour expliquer ce présent.

La pièce est portée par une langue riche. Les registres de langage crient la douleur, la joie, l’amour et cela en jonglant entre le créole et le français. Des mots, des phrases sont dits en créole. Paul a voulu rejeter le créole. Peu à peu, il va se réapproprier sa langue maternelle. Marie parle créole. Elle va encourager son frère à retrouver sa langue.

Ce sont les mots d’amour dits en créole par la mère mourante qui vont émouvoir Paul.

Le créole ancre la pièce à l’île de la Réunion. Tout comme les lieux cités, les noms propres, les couleurs et les odeurs.

Les liens, témoignages de spectateurs

L’autre jour était un jour de représentation, un jour de première : L’Aparthéâtre présentait les « liens » à Pontoux.

Les « liens » c’est d’abord des mots, des mots colorés, épicés, aux fragrances exotiques, qui se tressent en phrases lisses, précises, calibrées au plus juste. C’est aussi une langue qui hésite entre deux mondes, entre deux cultures, une langue d’ailleurs qui chante l’eau et la couleur, la senteur des fleurs éclatantes et de la cuisine des îles, une langue d’ici, qui parle de l’intérieur, de ce que l’on ne dit pas, des émotions cachées, des sentiments enfouis.

C’est surtout des personnages, celui dont on parle, si présent dans son absence, dont la vie se dessine dans la parole des autres et dont la fin imminente a déterminé la réunion, après une longue séparation, des deux autres. Ceux-là, on les voit, on les sent, on les écoute, ils prennent vie et sens devant nous, celle qui est restée, celui qui est parti, parti loin, parti longtemps. Mais on ne coupe pas les « liens » comme cela, on les tend, on les distend, étirés à l’infini entre les continents, entre les cultures, un jour ils vous ramènent où tout a commencé.

Les « liens » c’est deux comédiens habités par leurs personnages, Marie-Line qui a donné naissance aux mots, qui est, qui est véritablement Marie, et Yves qui a su si bien se glisser dans la peau de l’homme partagé. Parmi nous ont pris corps leurs doutes, leurs peurs, leurs joies et leurs envies, parmi nous, avec nous, se tissent les « liens »…

L’autre jour c’était un jour de première, ce fut un grand jour !

Jean, Bourgogne.

Très beau texte, émotions douces, poésie et invitation au voyage…Liens de famille, liens intimes, terre d’enfance, avec ses sons, ses couleurs, ses chants, son parfum. Merci à vous deux.

Thérèse, Caluire.

Merci à Marie-Line pour la création de cette belle œuvre créole, si bien écrite, parfumée, colorée, suscitant l’émotion et le sourire. Elle est bien rythmée, il n’y a pas de longueurs, le spectateur est entraîné par les comédiens pour vivre avec eux douleurs, tourments, paix, amertume, réconciliation, joies, appétits, sursauts … et est plongé dans ses propres souvenirs de deuils inévitablement.

Le sujet est d’une grande perspicacité, le regard de l’auteur est juste. Les multiples vérités évoquées rejoignent chacun, de près ou de loin.

La beauté du texte respire l’amour du pays, exprimé de cette façon vibrante et tout en relief, qu’ont les « exilés » à parler de leur pays.

Merci aux comédiens qui transportent leurs spectateurs avec leur jeu marqué par la liberté des corps (le fait d’être en plein air ?), la simplicité et une présence fortes.

MERCI !

Mathilde, la Réunion

Magnifique pièce. Bravo. Du tout vu, ressenti et vécu.

Mireille, la Réunion

Merci pour ce beau spectacle aux couleurs, odeurs, musiques, mots de notre chère île !

Virginie, la Réunion

J’ai beaucoup aimé « les liens ». La poésie des textes. Le rythme qui me rappelle les anciennes ritournelles. De l’émotion.

Patricia et Daniel, la Réunion.

J’ai découvert un univers que j’ai vraiment aimé, à travers un texte profond et aux notes poétiques, cinglantes, chantantes. Un petit bijou qui touche tout un chacun au plus profond de lui, de ses sentiments. Pour tous les « non dits » et les tourments sous-jacents à toute vie (l’amour, la mort, la vie, ses méandres, ses buts, l’incontournable, les origines, le chemin). Je repars conquise.

Brigitte, la Réunion.

Un spectacle prenant, émouvant de sincérité, un moment inoubliable qui nous ramène à nos racines.

Dominique, la Réunion.

La langue créole n’est peut-être pas la langue de Molière, mais déclinée comme vous l’avez fait…quel régal. Très bon moment.

Patrick et Marie-Rose, la Réunion.

Un spectacle très touchant, plein de pudeur dans l’impudeur des mots sur la mort et le sexe.

Chantal, la Réunion.

Un beau texte, du chant, de la danse, un spectacle tout en proximité, plein d’émotion.

Colette, la Réunion.

Moin l’été content de voir à zot interprété avec talent les liens avec nout’pays, la Réunion, avec nout’langue le créole, les liens avec la famille, avec la mommon à côté qui ici du moins avant, vivait jusqu’au dernier moment chez et avec les enfants.

Camille, la Réunion.

Un grand moment qui prend aux tripes. C’est criant de vérité, ça touche, remue, interroge sur notre propre vécu….Comme il est important de pardonner. Merci.

Catherine, la Réunion.

Oui, la vie, complexe et pleine, oui, parler à ce qui fait mal, ce qui fait du bien…Merci pour ce souffle.

Pascale, Meudon.

Merci pour ce grand moment d’émotion, de proximité, de « communion », qui nous aide aussi à apprivoiser la mort. Bravo. Continuez.

Danielle, Meudon.

Texte émouvant, joué avec talent. J’ai aimé la poésie et le naturel. Beau voyage dans le temps, et cette île magique où vous nous avez amenés.

André, Montpellier.

Beaucoup d’émotion, le temps suspendu, la vie qui s’enroule, se déroule, l'île est là, la paix s’installe. Quelle belle soirée, merci.

Bertrand, Prades le lez.

Des textes profonds, une écriture qui parle de la vie, qui fait écho à chacun de nous. Au-delà du thème des liens douloureux, la pièce a fait jaillir des moments intenses et joyeux, (paroles en créole pour décliner l’amour fraternel). Un parcours initiatique de deux êtres très touchants.

Caroline, Montpellier.

Couleurs, senteurs et musique de la nature tropicale, quel bonheur de vivre dans l'île des poètes.

Paul, La Ravine des Cabris, La Réunion

Quel cadre pour renouer ces miens avec notre île, moi zoréol, déjà 17 ans dans cette île du bout du monde où les couchers de soleil comme ce soir sont une fête. Alors merci à vous deux, à cette mère absente et si présente, au goût de l'écriture et des langues.

Alain, La Ravine des Cabris, La Réunion

Merci pour cette soirée agréable sous les étoiles avec ces évocations de la vie et de la société créole.

Joël et Marylène, Fleurimont, La Réunionnaise

Lé vraiment gaillard. Oté, belle prestation, belle histoire et félicitations à vous deux.

Louis, L'Entre Deux, La Réunion

Superbe soirée. Beaucoup d'émotions dans le jeu des acteurs. Si j'avais vu ce spectacle quand j'étais exilée en métropole, j'en aurais pleuré. Mais on rit aussi de toutes les manies créoles.

Huguette, L'Entre Deux, La Réunion

Bravo pour ce texte magnifique et original. Interprétation émouvante toute en nuances.

A l'année prochaine, même jour , même heure.

Mireille, Le Tampon, La Réunion

Les liens, extraits

…..

Marie part. Paul reste seul. Marie arrive les bras chargés de savates deux doigts. Elle les lâche par terre.

Marie : Tu as l’embarras du choix tu vois.

Paul trie les savates deux doigts. Il reconstitue les paires.

Paul : Tiens, cette savate deux doigts, tu peux la jeter. Il lui manque un lien.

Marie : Tu cuisines créole en Métropole ?

Paul : Quand j’ai quitté l’île, j’ai décidé de tout abandonner : la cuisine, le parler créole, la musique…

Marie : Arrête. On n’oublie pas ses racines. Arrête. Rappelle-toi quand elle faisait les carrys. Rappelle-toi, on n’oublie pas ça. On n’oublie pas le parfum des épices, l’oignon roussi et la saveur du gingembre. On n’oublie pas. Rappelle-toi.

Marie prépare avec soin un plateau repas.

Paul : On oublie tout quand on veut oublier. Son pays, ses racines, sa mère, sa sœur. On oublie tout. Donne-moi son plateau, je lui apporte.

Paul, avec le plateau, se dirige vers la chambre du fond. Marie reste seule dans la cuisine.

…..

Paul revient. Il reste sur le pas de la porte, la bassine vide dans les mains.

Paul : Comment j’ai pu me passer de cette lumière, de ce ciel bleu saphir sans nuage, de l’Océan, de ses gros rouleaux, de son scintillement ? Comment j’ai pu oublier ce jardin baigné par les flots? Comment j’ai pu oublier le bougainvillier mauve pâle au dessus de la varangue, le ballet des pailles en queue sur la crête des vagues ? Comment j’ai pu oublier le chant joyeux des becs roses, le vent qui court sur la plage ? Dis- moi Marie. Dis-moi. Comment j’ai pu oublier les caresses chaudes du soleil levant, le doux balancement des fleurs de canne ? Comment j’ai pu vivre loin de tout cela. Dis- moi Marie. Dis-moi.

Marie : L’oubli a été pour toi une vengeance, Paul. Oublie la vengeance, oublie la colère. Mets une roche sur ta colère Paul. Oublie.

Paul se dirige vers la chambre du fond.

Marie prend un livre de cuisine. On entend de façon alternée la voix de Paul et la voix de Marie. On entend les silences aussi.

….

Lumière. Paul a une bouteille de rhum à la main.

Paul : La nouvelle a fait le tour de Saint-Gilles. La nouvelle a fait le tour de l’île. Les voisins, la famille proche, la famille éloignée, les amis, les ennemis, ses amants, ses amours, les personnalités, les gens du quartier... Ils ont tous accouru pour la veiller. Tout le jour toute la nuit des prières. Les femmes surtout récitaient des prières. Marie leur sert du café. Elles s’arrêtent de prier. Un temps pour les commérages, pour le la di la fé. Un temps seulement. Et à nouveau la litanie des prières. Moi je sers du rhum. Moi je suis dehors avec les hommes. Ils jouent, ils boivent du rhum, ils fument, ils causent de tout : politique, maladie, retraite, le temps qui passe, le RMI, le RSA, la vie chère, les créoles , les zoreils, la météo, les études, la petite dernière, l’argent braguette, les requins à Boucan, la route des tamarins, le tram train, le boudin piment, la confiture fruits à pain et maman. Ils ont un avis sur tout, ils rient ils râlent ils cassent la blague.

Willy i vient d’marié sanm Cindy, Miss bonbon piment 2009. Comme kado mariaz, la famille la of azot in week end an amoureux dann fon Marla.

Arivé o gite, lo mafaté i done azot la clé é i explique azot ousa i lé zot chanm.Cindy i arèt devant la port é i larg, larm dann zié :

-O, agard !...Mon kèr I bat…Banna la mèm mèt nout zinisial su la porte !!!

-Non Cindy ! i réponn lo mari dépité,sa sé la porte kabiné !

Je ris malgré moi je ris. Je ne peux pas m’en empêcher. Je ris. Je verse du rhum. Je bois du rhum et je ris.

Marie entre. Elle vient de sa chambre. Elle porte une robe noire.

Marie : Maman est morte et enterrée. Elle m’avait dit : mi veut quelque chose de simple, moin lé pas compliqué. Prends pas moin un cercueil cher, i vaut pas la peine et surtout surtout fais pas brule à moin. Mi veut mon corps i reste entier. Je ne l’ai pas écoutée. Je n’ai pas pris la formule la plus économique, la formule à 1500,00€ avec le cercueil en pin et la couronne de fleurs artificielles. J’ai pris la formule à prix moyen, la formule à 2983 ,00€ avec le cercueil en chêne et les fleurs naturelles. Maman n’aime pas les fleurs artificielles, moi non plus Paul non plus. La toilette et l’habillage étaient offerts. Le cadeau de la maison. Pour le curé j’ai donné 200,00 € .C’est ce qui se fait. Je n’ai pas discuté.

J’ai tout payé. Paul avec son petit quat sous je n’ai pas voulu le faire payer.

Maman est morte et enterrée. Elle m’avait dit : met pas moi dans la terre La terre i fait peur à moin. Met à moi dans un caveau

J’ai mis maman dans le caveau quatre places, avec mon père et Philippe. Il reste une place. C’est ma place. Et Paul alors ? Où va-t-il reposer ?

Maman est morte et enterrée. Paul a pleuré toutes les larmes de son corps. Une ravine de pleurs. Il écrit sous la varangue. Ce matin de bonne heure il a acheté un nouveau cahier à la boutique chinois .

Paul est à l’entrée. Il a un cahier dans les mains.

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